Guy LE RAY

Dans la préface de son livre “ Les très riches heures de l’Humanité “, Stefan Zweig souligne que la création artistique ne se fait pas de façon continue, qu’elle est le reflet d’un moment privilégié, celui d’une inspiration brève et féconde.

Cet instant, je l’ai vécu pour la première fois le jour où je m’apprêtais à écrire pour ma petite fille un conte mettant en scène un corbeau et une pie. La plume ne rencontrait pas la page blanche et restait désespérément silencieuse, quand soudain, une voix venant d’on ne sait où, me murmura ces quelques mots : “ Et si tu l’écrivais en vers sous la forme d’une fable ! “ Ce fut comme un coup de tonnerre dans un ciel d’azur, comme une injonction impossible à réaliser… des vers je n’en avais jamais écrit, je n’avais pas même essayé ! Et cependant, la gageure fut tenue immédiatement, quatre vers apparurent sur la page blanche, comme si la voix avait fermement guidé ma main :

Monsieur le corbeau en son territoire
Promenait sa majesté noire.
Survint une pie volage,
Effrontée, babillarde et davantage.